Qui peupla notre contrée aux temps les plus reculés ?
Nul ne le sait et nous ne pouvons faire que des suppositions laissées à l'appréciation de chacun..

La découverte de beaucoup de vestiges de l'ère néolithique trouvés dans notre région, de Charavines à Voreppe ou ailleurs, peut faire penser qu'à cette époque déjà, le plateau de la Murette était habité soit par des sédentaires, soit par des nomades mais aucun témoignage ne le fait supposer. Aucune recherche n'ayant d' ailleurs été entreprise.

Entre le 10ème et 6ème siècle avant J.C. les Ibères venant de la région de l'Ebre rivière d'Espagne s'installent sur notre sol puis les Ligures venant de la région de Gènes en Italie les rejoignent aux environs du 6ème.

Au 4ème siècle avant J.C., ce sont les Allobroges, qui occupent la région située entre l'Isère, le Rhône et le Leman. Ces Allobroges sont des Celtes qui fondent Cularo (futur Grenoble). Les Allobroges formaient une nation belliqueuse dont les habitants se joignirent à Annibal lorsqu'il passa en Italie.

L' ARTEUX, un lieu-dit de la Murette peut faire penser qu'une tribu gauloise ou Allobroge s'implanta sur notre sol. Artreux vient de Artica, la friche en gaulois, l'Arteux signifie en effet terrain mauvais et friche gauloise. Il se peut que quelques celtes commencèrent à cultiver notre sol après l'avoir défriché. Ce lieu-dit se trouve sur les confins de la Murette en direction de Chirens, au bout de la voie qui reliait Moirans à Chirens, sur un plateau où se trouve l'ancienne ferme Guinet, un plateau effectivement défriché et couvert de prairies.

Dans son livre, Voiron à travers les âges, Louis Cortès professeur, créateur du cours complémentaire du Grand-Lemps et membre de l'Académie Delphinale écrit : "Est-ce émettre une opinion hasardeuse que de supposer l'existence d'un "vicus" au pied de la colline de Bavonnes et de placer en face, de l'autre côté de la Morge, un "oppidum" ayant à ses pieds quelques huttes abritant les serviteurs d'un seigneur gaulois ? nous ne le croyons pas".Cela vient sinon confirmer au moins accentuer le fait qu'un "vicus", petit village, existait sous Bavonnes. L'"Oppidum" était surtout une tour d'observation perchée le plus souvent sur une hauteur mais aussi un lieu de refuge avec une population permanente.

De toutes ces époques troublées nous ne connaissons malheureusement que peu de choses. Il faut attendre, la fin du 2ème siècle avant J.C. et l'arrivée de la puissante et valeureuse armée romaine pour que nos connaissances deviennent plus précises. Les Allobroges, certes, luttèrent énergiquement contre les généraux romains, mais le régime impérial les convertit. L'empereur Claude appelait leur capitale "la très ornée et la très puissante colonie de Vienne". Louis Cortès écrit : "Aucune cité ne fut doté d'un aussi vaste territoire qui couvrait la superficie de l'ancien pays des Allobroges et se composait de tout l'espace compris entre l'Isère, les Alpes et le Rhône selon les indications romaines".

Après avoir colonisé le sud de la Gaule et profitant de l'appel des Eduens, les Romains battent les Allobroges en 121 av. JC et commencent à envahir le reste du pays. Un instant freiné par une défaite près de Vienne (106 av. J.C.) les légions romaines rétablissent la situation. Vienne est occupée et en 43 les troupes de Munatius-Plancus sont à Cularo.

Prenant prétexte de la mort de César (44 av J.C.) les Allobroges effectueront une dernière tentative pour secouer le joug romain. Peine perdue, ils seront définitivement battus. Entre 27 av. J.C. et 14 après J.C., la conquête est achevée. Pendant 5 siècles on sera soumis à la domination romaine qui nous apportera beaucoup. Sous l'Empereur Auguste, les terres de notre actuel Dauphiné sont incorporées à la Narbonnaise, une des 4 grandes provinces qui partagent la Gaule. Vienne et Grenoble deviennent villes fortifiées.

Des voies sillonnent la contrée, la plus importante va de Vienne à Grenoble en passant par Moirans et se prolonge jusqu'à Oulx, Suse (retenez ces noms ) et Turin en passant par Briançon. D'autres voies secondaires coupaient cette voie principale, comme celle qui passant par Voiron rejoignait Lemps (le Grand Lemps) longeait le pied de Bavonnes, ou celle encore qui allait de Moirans à Chirens passant aussi par Bavonne et celle aussi reliant Réaumont à Chirens passant aussi par notre village. Le PAVE indique certainement le lieu d' une ancienne voie romaine. On peut dès lors penser que le sol de notre commune se trouvant à l'intersection de toutes ces voies fut un point stratégique pour l'établissement d'une communauté romaine. La civilisation romaine remplaça peu à peu l'organisation gauloise. Le "vicus" gaulois devint la "Villa romaine.

Il faut penser aussi que les romains préféraient emprunter les chemins des plateaux, plus sûrs et moins marécageux que ceux des vallées et des plaines. Et puis le commerce devient important entre l'Italie et la Gaule. Grâce à ces voies des villas gallo-romaines s'établirent ici ou là. Non loin de la Murette la villa romaine de Salmorenc est une réalité historique. A notre connaissance, aucune n'est citée sur notre territoire, mais le lieu-dit de la Murette, "Couratière" (du latin Cohortem) signifie "cour de ferme romaine". Alors ?

D'après certaines recherches faites par le groupe Salmoenc de Voiron, il pourrait s'avérer que la ferme romaine de la Murette était à l'emplacement de l'ancienne ferme de Monsieur Daniel Robert. Cette ancienne ferme fait d'ailleurs partie du patrimoine rural des terres froides dont la description a été faite par des architectes proposés à cet effet de 1945 à 1972 (voir plus loin la description). Lors de sa restauration d ans les années 90, il a fallu respecter les dispositions prévues.

Puis ce fut, dès le 3ème siècle, le début des invasions barbares avec tous les ravages et les bouleversements qu'elles ont entraînés pour les paisibles populations de paysans pauvres et isolés. Les Burgondes, venus de l'est, atteignent leur apogée dans les années 490 et 516. Le mot "Bourg" que nous retrouvons dans beaucoup de commune comme à la Murette indique un lieu d'implantation Burgonde. Les Burgondes ont donné leur nom à la Bourgogne.

Les Francs arrivent à leur tour. Arrêtés pour un temps à la bataille de Vézeronce en Isère en 524, ils fusionnent avec les Burgondes d'où naîtra une nouvelle race dont seront issus les rois de Bourgogne.

En 481, la dynastie mérovingienne avait été fondée, elle s'éteindra en 751. Principale source de richesse, la terre n'en est pas l'unique. Le commerce est aussi florissant et il faut surveiller les routes. Le versant méridional de Bavonne, le mieux exposé des 2 versants et le plus fertile, offre un replat tout indiqué pour la construction d'une petite fortification de surveillance. C'est ainsi qu'on peut penser qu'une fortification mineure fut installée, une "murette" (du latin Muri) comme on disait autrefois, par opposition à la muraille c'est à dire à un rempart fortifié. De cette "murette", il ne reste rien et l' on peut supposer, nous le verrons par la suite, qu' elle se situait au niveau de l' église actuelle.

Qui fut le créateur de cette fortification ? qui en eut l' idée ?

Les seigneurs de Clermont dont l'histoire connue ne remonte qu'à 1070 avec Aynard 1er de Clermont ?
Les Dauphins, qui furent leur successeur ? et pourquoi pas aussi les Comtes de Savoie.

Il faut bien chercher aussi à comprendre la raison pour laquelle Saint Cassien et la Murette se trouvèrent autrefois sur les 2 mandements de Voiron et Réaumont.

Et cette "murette", a-t-elle même existée ailleurs que dans l'imagination des anciens du village ou dans l'évocation de quelques chercheurs. Nous allons cependant retrouver le mot "murette" dans la suite de nos propos.

A moins qu'une autre piste s'offre à nous en invoquant "Muritum," la Grande Forêt, ce qui est plausible. TUM pouvant s'être transformé en ETTE (endroit) pour donner définitivement La Murette. Muritum peut aussi avoir le sens de "gîte dans la forêt".

Selon le dictionnaire celtique de Bullet, une grande forêt couvrait un territoire de Moirans à la Frette et de la Frette au bois de la Sylve Bénite à Oyeu. Cette forêt s'appelait selon les endroits Manguelin, Bièvre (à cause des castors), Lemps ou Voix (Commune de Buis) et englobait la colline de Bavonne et la Murette.

Une autre hypothèse est citée dans "le dictionnaire des noms de lieux en France" de Dauzat et Rostaing et confirmé par Gaston Donnet dans son livre "le Dauphiné". Le latin "murus" signifie "mur". Au féminin et surtout dans le sud-est, il a valeur de "mur en ruine" ou "de vestiges de construction" (ex : La Mure"). Lorsque le suffixe Atum est rajouté pour faire Muratum il prend le sens de "clos de mur". En résumé la Murette pourrait signifier "clos de mur en ruine".

Une dernière hypothése précise que La Murette pourrait venir de "Muor" qui signifie "terre humide" + etum, mais c' est assez peu probable car la Murette de trouve au flanc d' une colline sur une zone pas plus humide que la moyenne, bien que de nombreuses sources sourdent de la colline de Bavonne.

Comme nous utiliserons par la suite quelques termes inusités de nos jours, nous allons préciser quelque peu l'organisation administrative du Moyen-Âge.

Au Moyen-Âge, le Dauphiné constituait un vaste réseau de fiefs plus ou moins importants, laïques ou ecclésiastiques, dont les intérêts et les droits étaient parfois très enchevêtrés. Un seul seigneur dominait le plus souvent chaque seigneurie, mais il arrivait qu'un village en comptât plusieurs. Ce fut le cas de la Murette dont le territoire s'étendait sur le mandement de Voiron et celui de Réaumont. Ces divers seigneurs étaient vassaux les uns des autres et en raison de l'insécurité générale, les faibles se plaçaient sous la protection des forts. L' 'Hommage" se prêtait de façon différentes selon le lignage.
Aynard de Clermont rendit hommage au Dauphin en 1340, debout et en baisant le suzerain sur la bouche. Les ecclésiastiques prêtaient l'hommage, debout, une main sur la poitrine et l'autre sur les livres saints et après s'être agenouillés, baisaient la main du suzerain, entre le pouce et le premier doigt.

Les subdivisions territoriales dont les noms reviennent souvent au Moyen-Âge sont d'abord ceux de Comtés, Pagus, Ager, Mandement, Villa, Mansio.

Les "Comtés" comprenaient souvent 3 châtellenies au moins. Le mot "comté" était parfois employé au féminin (La Franche Comté). Sous les Francs de 534 à 879, le "Comté" avait les mêmes limites que l'ancienne cité et que le Diocèse. La Murette faisait partie du Comté de Salmorenc. La légende veut que Charles Martel poursuivant les sarrazins s'arrêta quelques temps à Vienne et s'emparant d'une partie des biens de l'archevêque, les partagea entre ses principaux généraux. C'est ainsi qu'aurait été fondé le Comté de Salmorenc. "En 858 se tint à Salmorenc un plait ou assemblée générale des 3 provinces de Vienne, Lyon et Arles. L'objet de cette réunion étant de traiter des affaires de l'Eglise de Vienne, et entre autres elle trancha un différent concernant les limites entre les possessions de l'archevêque de Vienne Algimar et le Comte de Salmorenc Wigeric " rapporte Louis Cortès.
Ce Comté de Salmorenc qui avait été attribué à Lothaire, le fut plus tard à Charles le Chauve. A cette époque le royaume de France se trouve en pleine anarchie, les puissants seigneurs cherchaient à se tailler des domaines indépendants. L'ancienne province des Allobroges va se trouver dans le champ d'action des Comtes d'Albon d'une part et des Comtes de Savoie d'autre part. Notre région semble déjà être sous l'emprise de la maison d'où sortiront les Comtes de Savoie.

Le Comté de Salmorenc aurait été donné par le dernier des rois de Bourgogne Rodolphe III à sa femme Hermengarde le 24 avril 1011. Celle-ci le rétrocéda à l'archevêque de Vienne le 16 septembre 1023. L'archevêque renonça à tenir lui-même le Comté et l'inféoda. On pense que le Comte de Savoie, Humbert aux blanches mains, beau-frère de l'archevêque en fut le bénéficiaire. Ainsi la situation prépondérante des Comtes de Savoie devint évidente, mais ce fut aussi une cause de conflit entre l'archevêque de Vienne et l'évêque de Grenoble qui voulait chacun s'approprier le Comté. Le Pape Pascal II termina la querelle par un jugement du 29 janvier 1107 en faisant du pays de Salmorenc une division équitable en attribuant à chaque église la part la plus proche. Les 22 châteaux qui formaient le Comté de Salmorenc avec leur églises, paroisses et mandements sont partagés par égalité. Le territoire de la Murette se retrouvera dans le diocèse de Vienne.

Au XIème siècle, le mot "Pagus" en français "pays" remplace de mot "Comté". Le Pagus est divisé en plusieurs "Agri" ou territoires qui eux-mêmes comprennent plusieurs villages. L'"Ager" (singulier de Agri) avait à sa tête un Vicaire ou remplaçant du Comte. C'est l'"Ager" qui après 877 sous le régime féodal deviendra généralement le territoire du "Mandement" ou de la "Seigneurie".

La "Villa" était le domaine rural, situé le plus souvent en dehors du bourg fortifié. On peut souvent l'interpréter comme "village".

Le "Mandement" était une réunion de paroisses sous forme de circonscription et dépendant d'un château féodal donc d'un seigneur. Le Mandement de Réaumont comprenait les paroisses de Réaumont, Saint Cassien, la Murette et son vicariat Saint Blaise du Buis.

La "seigneurie" se distinguait du "mandement". La seigneurie était une étendue de territoires plus ou moins vastes sur lesquels le seigneur exerçait certains pouvoirs administratifs, militaires, judiciaires et prélève divers impôts.

Il ne faut pas confondre aussi "seigneur" et "châtelain". Le châtelain n'est que le représentant du seigneur. Le seigneur ne pouvant seul assurer la garde de ses châteaux, ils en confiaient le commandement à des militaires appelés "châtelain", auprès desquels d'autres jeunes seigneurs formant la chevalerie féodale venaient servir et s'exercer au métier des armes. On appelait aussi le représentant du seigneurs le "Capitaine-Châtelain".

A l' origine le châtelain était généralement noble. Il n'y avait parfois qu'un châtelain pour plusieurs seigneuries.

D'abord chargés de la défense du château et de son entretien, les châtelains devinrent bientôt les administrateurs de la châtellenie ou du mandement. Ils percevaient les impôts et les revenus des biens seigneuriaux, jugeaient les causes minimes, infligeaient des amendes, rassemblaient des milices en cas de conflits. Ils avaient comme collaborateurs les "Mistraux" qui les aidaient à accomplir leurs obligations, mais qui étaient d' origine roturière.

Les "baillis" nous rappellent nos préfets actuels. C'étaient de hauts magistrats appartenant aux plus illustres familles de la province. Ils détenaient des attributions très étendues. Il existait 7 bailliages en Dauphiné. Louis XI en 1447 les réduisit à deux : le bailliage de la Montagne et celui du "plat-pays" (le Bas-Dauphiné). Les baillis veillaient à la bonne administration des châtelains, contrôlaient leurs actes, rendaient la justice, centralisaient les impôts des châtellenies, levaient des troupes et les conduisaient eux-mêmes à la guerre.

Quant à nos communes, les plus anciennes ont environ 8 siècles d'existence. Presque toujours les limites des communes furent celles des paroisses qui existèrent, dans l'ensemble du département 6 à 7 siècles avant la commune.

La Murette est née de la paroisse de Saint Martin de Muretta ce que nous verrons plus loin.