Depuis des temps reculés, un prieuré existait à la Murette, ce prieuré dépendait de la puissante abbaye de Novalaise en Piémont.

Le mot prieuré revient souvent dans l' histoire des anciens diocèses. Le prieuré est une maison religieuse sous les ordres d'un "prieur", mot qui a le sens de "premier" ou de "président". Dans certaines maisons on l'appelle "supérieur". Ces institutions religieuses furent crées dans nos régions par des moines qui partaient de la maison épiscopale ou du monastère assez peuplé pour fournir de nouveaux apôtres. Le plus souvent les moines assuraient eux-mêmes le service religieux pour lequel ils avaient reçu les fondations. Le prieuré rayonnait sur un territoire plus ou moins vaste et assurait le service religieux dans toutes les églises où il percevait la dîme. Mais à mesure que les églises se multipliaient, la récitation de l'office en commun, la vie vraiment monastique devenait de plus en plus difficile et moins fervente. Aussi, en 1115, le pape Pascal II ordonna aux moines de rentrer dans leurs cloîtres et de céder le plus possible leur place à des prêtres séculiers n'appartenant à aucun ordre. En se retirant, ils devaient assurer aux prêtres appelés pour les remplacer, des ressources suffisantes pour leur existence et conservaient au prix de ce sacrifice, avec la jouissance de leurs biens, le patronage de l'église et le droit, en qualité de curés primitifs, de nomination à la cure, sauf bien entendu, à faire approuver ce choix par l'évêque.

On peut maintenant avancer 2 raisons à l'existence du prieuré de la Murette..

La première, nous l'avons vu, est que le territoire de la Murette se situait non loin de la grande voie transalpine, Vienne, Moirans, Grenoble, Briançon, Oulx, Suse, Turin, Rome. Il était donc facile de communiquer bien que la distance à l'époque était un obstacle.

la seconde est que de nombreux domaines de la région avaient appartenu à un riche patricien gallo-romain appelé Abbon. Cet Abbon était un franc, héritier d'une riche famille gallo-romaine et recteur de Suse et de la Maurienne. C'est lui qui avait fondé en 726, l'abbaye bénédictine de Novalaise proche de Suse en Italie comme l'indique un premier acte retrouvé. Par un testament daté de 739, il légua à l'Abbaye un héritage invraisemblable comprenant des domaines, tant dans l'Italie du Nord qu'entre le Rhône et les Alpes et jusqu'à Arles. Il est probable que le prieuré de la Murette fut fondé sur un bien qui en dépendait. Rappelez-vous aussi qu'une villa gallo-romaine avait sans doute existé sur le territoire de la Murette, et dont le lieu-dit "Couratière" fait foi.

La légende raconte que l'abbaye fut fondée au temps de Saint Pierre de Rome. Elle était dédié à Saint Pierre et Saint André. Elle avait été érigée pour garder la route du Mont Cenis. C'était un poste avancé des francs de l'Empire de Charlemagne qui voulaient envahir le royaume des Lombards (à cette époque la porte d'Italie de trouvait devant Turin, au pied de la "Sacra Michele", là où la vallée est étroite ; les Lombards avaient fermé la cluse avec d'énormes tours, murailles, troncs d'arbres, mais cela ne servit à rien. Charlemagne, qui avait installé ses quartiers à "Novalesa" arriva en 773, par la vallée de Sangone "de l'autre côté des troncs" et s' empara de la Lombardie.

L'abbaye, magnifiquement dotée par son fondateur était peuplé de Bénédictins qu'une "association de prières" unit un temps à ceux de Vizille. Cette maison, grâce aux privilèges carolingiens a joué un rôle comparable à celui des grandes abbayes de l' époque. Il est vrai que la politique italienne de Charlemagne y poussait, puisque depuis 774, le roi des francs s'était assuré la couronne Lombarde et la domination de la péninsule. On imagine, pour la construction carolingienne, l'importance des routes du Mont Cenis et du grand Saint Bernard et combien la situation géographique et stratégique de la Bourgogne en fut revalorisée. Il était donc utile, sinon indispensable, d'avoir tout le long de ce parcours joignant l'Italie à la Bourgogne, des maisons en dépendant et on peut penser que la fondation du prieuré de la Murette en est la conséquence.

Les comtes de Savoie possédaient des terres en Dauphiné. On note que ces terres étaient réparties entre deux bailliages celui de Novalaise et celui du Viennois. En l'an 1325, celui de Novalaise comprenait les 8 châtellenies de Voiron (siège du bailliage), Saint laurent du Pont, Pont de Beauvoisin, Saint Genix d'Aoste, Ile de Ciers, Dolomieu, Yenne et Chanaz.

Nous ne savons que peu de chose sur la fondation du prieuré de la Murette. Un pouillé de 1375 mentionne pour la première fois : "Prieuré et paroisse de Saint Martin de la Muretta, archiprêtré de Valdaine au diocèse de Vienne". Le prieuré était alors taxé de 76 livres de redevances et la cure de 9 livres. Notons que le patois local conservera le nom de Muretta ou Murettaz. Les finales az ou oz se transformèrent souvent en e muet, Merloz devint Merle, Guillermoz devint Guillerme ou Philippaz, Philippe.

Pourquoi Saint Martin de Muretta ?

Le choix de Saint Martin.

Saint Martin est un des noms les plus populaires et un saint des plus renommés de l'ancienne France. Il a été moine près de 40 ans (360 à 400). Né en 316 en Pannonie, une contrée à cheval sur l'Autriche, la Hongrie et la Yougoslavie, il était le fils d'un tribun militaire. Soldat à l'âge de 15 ans, il servit en Gaule, où pendant un hiver rigoureux, aux portes d'Amiens, il partagea son manteau avec un pauvre et c'est aussi dans cette ville d'Amiens qu'il reçut le baptême. Libéré à 18 ans de ses obligations il se retira auprès de Saint Hilaire, évêque de Poitiers qui l'ordonna exorciste. Il retourna en Pannonie, convertit sa mère à la foi chrétienne et rejoignit Saint Hilaire exilé dans la haute Italie. Revenu en Gaule, il fonda près de Poitiers, dans le désert de Ligugé, un monastère, le premier qui ait été fondé en Gaule. Elu évêque de Tours en 371, malgré ses résistances, il continua à vivre en moine sur le siège épiscopal. Il habitait près de Tours le monastère de Marmoutier, fondé par lui-même et qui comptait 80 religieux.
Il a su être un homme d' action. Il parlait avec courage aux empereurs et combattit le paganisme. Ses vertus et les conversions qu'il fit parmi les païens lui avait acquis une influence extraordinaire sur l'église des Gaules. Aussitôt après sa mort, à Candes en Touraine en 400, son culte se répandit dans les Gaules et dans toute l'Europe chrétienne. Son tombeau à Tours devint un but de pèlerinage. La basilique qui le surmonta bientôt et qui devint le siège d'un chapitre célèbre fut le lieu d'asile le plus vénéré de toute la Gaule. La "vie de Saint Martin" a été écrite par Sulpice-Sévère, son disciple, et par Grégoire de Tours. Ses reliques furent, en 1562, brûlées par les huguenots ; une petite partie toutefois, put être sauvée. La Saint Martin se fêtent le 11 novembre.

Il n' est donc pas interdit de penser que c'est pour toutes ces raisons que les moines venus de Novalaise choisirent le nom de Saint Martin pour désigner leur prieuré.

Le choix de Muretta :

Il n' y a qu' un pas à franchir pour penser que le prieuré s'établit à l'emplacement de la "Murette" dont nous avons parlé auparavant. On sait que le prieuré se trouvait sur la place de l'église actuelle et sur les parcelles environnantes.

Vers 900 la Novalaise avait disparu, attaquée qu'elle fût par les Sarrazins qui détruisirent son importante bibliothèque et les archives et chassèrent les moines. C'est pour cela sans doute que nous ne possédons pas l'acte de fondation du Prieuré de Saint Martin de Muretta. Les moines ne réintégrèrent leur abbaye que vers 1100. Cela donne à penser que le prieuré de la Murette existait déjà au 9ème siècle. En fait le patrimoine, à la disparition de l'abbaye de Novalaise, avait été partagé entre plusieurs monastères, dont celui de la vallée d'Oulx, vallée proche du Mont Genèvre, mais sur le versant italien et qui dépendit longtemps du Briançonnais. Le prieuré de la Murette dépendit alors du prieur d'Oulx.

Quand les prieurés cesseront d'être des maisons religieuses pour devenir simplement des paroisses, quand les moines de Saint Pierre de Muretta rejoignirent la Novalaise après 1115, le curé continuera d'être à la présentation du prieur d'Oulx ou de son délégué.

Parmi les prieurs nous citerons Aymar et Jean du Gumin, le premier en 1475, le second en 1540. La famille Gumin, joua un rôle dans l'histoire de la Murette. En 1653, Flotard-Moret, prévôt de la collégiale Saint André de Grenoble, vicaire général du prieur d'Oulx dans plusieurs diocèses était considéré comme prieur de la Murette. Louis XIV ayant par la suite abandonné tout ce que ses prédécesseurs avaient aliéné en Italie, c'est finalement un chanoine de Saint Pierre de Vienne qui sera le plus souvent prieur commendataire de la Murette.

Un autre prieuré, placé sous le patronage de Saint Martin était installé à la Buisse. Il était placé sous la tutelle de l'abbaye bénédictine de Saint Chef.

Les pèlerinages dans ces lieux provoquent de vastes mouvements de foule. Les croyants usent leurs sabots sur les chemins, pour se rendre sur les lieux de dévotion religieuse. Saint Martin, apôtre des gaules, est régulièrement salué. On peut alors penser que dans les années couvrant les 10, 11 et 12ème siècles des forains s'installent sur les lieux où convergent les pèlerins. Parler de "foire de la Saint Martin" à cette époque est sans doute, un peu exagéré mais il semble qu'elle ait existé à la Murette. On prétend aussi que l'existence de cette foire prit fin quand le droit fut cédée à Voiron. Nous n'avons malheureusement trouvé aucun document le précisant. Cependant, dans les années du 13ème siècle, l'époque est difficile et le pays voironnais doit faire face à de multiples fléaux. Les épidémies déciment les populations, les mauvaises récoltes installent des périodes de famines. La misère prend place. Le commerce de ville à ville, de village à village est limité. La libre circulation des marchandises est loin d'être acquise mais des franchises commencent à être accordées. La levée des impôts libèrent les échanges mercantiles et les habitants de la région ont ainsi le droit d'aller et venir, de séjourner dans tout le Dauphiné avec leurs marchandises sans payer aucune prestation, redevance ou péage. C'est certainement à cette époque que la foire qui siégeait à la Murette fut transférée à Voiron.
L'an 2000 accueillait la 645ème édition de la "Saint Martin" ce qui revient à dire que la foire du 11 novembre prit naissance à Voiron en 1355. Un arrêt du conseil delphinal du 16 février 1395 admis son existence et le Dauphin Louis en 1413 confirma cet arrêt.

Du prieuré de Saint Martin de Muretta, il ne reste rien. Seule l'église fut restaurée et nous en parlerons dans un autre châpitre.