Le prieuré de la Murette continuera, bien que les moines ne fussent plus présents sur les lieux, à posséder des biens dont le curé de la paroisse avait la gestion.

Quelquefois les biens étaient albergés à des fermiers qui se chargeaient de faire entrer les dîmes, car les prieurs percevaient cet impôt sur l'ensemble de la paroisse. La dîme était variable, ce n'était pas forcément le 1/10 des récoltes, mais souvent le 1/11 ou le 1/13ème. Cela équivalait à 1 gerbe sur 11 pour le blé et autres bonnes céréales et 1 sur 13 pour les mauvais grains, pois, fèves ou raisins. Pour les animaux c'était 1 agneau sur 13 suivant les usages anciens ainsi qu'1 poule chaque année. Le fermier versait chaque année au prieur le montant des dîmes en argent. Souvent, on ne sait si c'était le cas à la Murette, mais le montant des dîmes étant déterminé d'avance, le fermier pour éviter d'être lésé imposait plus et de ce fait s'enrichissait.

Le curé quant à lui, touchait une redevance, la portion congrue que lui versait le prieur.
Les réunions qui pouvaient se dérouler au sujet des dîmes se faisaient en général après les vêpres dans le cimetière paroissial en présence de tous les habitants du village.

Dans le seconde moitié du 17ème siècle et jusqu'à la révolution les biens du prieuré de la Murette se décomposaient comme suit :

Une maison, une grange, un verger et un jardin
au mas de ...(le nom n' est pas cité), joignant l'église et le cimetière dudit lieu du vent et partie du couchant, le chemin tendant dudit village à la montagne de Bavonne du soir, plassage de maison de Vincent Gillet-Magnin, Jardin de Jean Perrin-Molliet de bise verger restant dudit prieuré sur Voiron du levant.
Contenant 17 modurières 1 sixième estimé à raison de 6 sols 6 deniers la setérée fait 4 sols 7 deniers 3 pites un sixième.

Un bois
dans la montagne de Bavonnes ( nous ne citons pas les tenants et aboutissants)
contenant 13 modurières et trois quarts fait six deniers trois pittes

Un pré
au mas du Vernay ou des Pains contenant 1 sétérée 22 modurières et 1 huitième fait 6 sols 10 deniers 1 pitte 3 huitièmes

Autre pré et terre
au mas du Gas
contenant en pré 2 sétérées 22 modurières, en terre 2 sétérées 9 modurières fait 1 livre 7 sols

Vigne
au mas de Larinière
contenant 1 sétérée 5 modurières 5 huitièmes fait 3 sols 8 deniers, 1 pitte 3 quarts

Pour ce qui est de la vigne, la légende rapporte que les vins produits par le prieuré de la Murette étaient appréciés à la table des cardinaux de Rome. Il est en effet très possible que des cépages cultivés à l'époque provenaient d'Orient ou d'Italie et qu'une partie du vin produit par le prieuré était acheminé sur Rome via Suse. Les cépages cultivés ont mieux résisté au phyloxéra quelques années plus tard, mais les vignes de la Murette ont pratiquement disparu alors qu'on en trouve encore à St Cassien.

Nous avons cité ici de nombreuses mesures de l'époque antérieure au système métrique qui ne sera mis en place qu'une centaine d'années plus tard sous la Convention. Il est peut être utile que nous apportions ici quelques précisions sur les mesures de l'époque qui étaient très nombreuses, variaient d'une région à une autre, parfois d'une commune à l'autre ce qui ne facilitait pas la tâche des ruraux.

La sétérée ou sesterés

C'est une mesure agraire d'une valeur variable selon les régions. Elle valait 17 ares à Paris et 37 ares 50 centiares dans le Dauphiné encore qu'elle pouvait varier d'une région à l'autre. La sétérée équivalait alors à 1 journal et demi, le journal valant 1/4 d' hectare (le journal valait parfois 1/2 hectare).
La sestérée était par extension la surface qui peut être ensemencée en blé avec un sétier ou sestier. Le sétier étaient une mesure contenant 156 l de grains. On peut donc considérer qu'il fallait 3 à 4 sétérées pour ensemencer un hectare.

La modurière

La modurière mesurait environ 1,56 ares autrement dit 1 sétérée égalait 24 modurières.
La modurière est la surface qui peut être ensemencée par un muid, ancienne mesure à grains.

La toise

La toise était aussi variable suivant les régions et valait environ 4,16 m2. A la Murette, il s'agisait de la toise delphinale employée dans tout le Dauphiné alors que la toise royale ne valait que 3, 8 m2.
1 sétérée valait donc 900 toises.

L'arpent

L'arpent est encore une mesure ancienne qui valaient 50 ares ou 2 journaux.

Mettez-vous un instant à la place des laboureurs de l'époque, sans instruction, et pour qui la lecture et l'écriture étaient pratiquement inconnues, essayez de réfléchir aux efforts qu'ils devaient déployer pour se comprendre, il était à la merci de comptes difficiles au risque de se faire flouer.
Heureusement quelques décennies plus tard les novateurs du système métrique simplifièrent ô combien les calculs des modestes paysans et facilitèrent grandement le commerce.

Résumons- nous cependant :

1 sétérée = 24 modurières = 900 toises = 37 a 50 ca = 3750 m2 = 1 journal et demi
1 modurière = 37, 50 toises = 1 a 56 ca = 156 m2
1 toise = 4,16 m2

Question argent c'était tout aussi compliqué. Le montant des estimes qui correspondaient aux surfaces cadastrées se comptaient en livre, sol, denier et pite.

La livre, pour la Murette, était la livre tournois ( de Tours) qui valait 20 sols. Elle correspondait à 1 franc or.

Le sol ou sou la vingtième partie de la livre valait 12 deniers.

Le denier était le douzième du sol et valaient 4 pites.

La pite valait 1/4 de denier. La pite s'appelait aussi Maille poitevine (de Poitiers)
Elle se décomposait en quarts, cinquièmes, huitièmes, ce qui ne simplifiait pas les calculs.

Les biens du Prieuré s'élevaient donc environ à 6 sétérées 89 modurières de surface soit à peu près 3 hectares 64 pour une valeur locative de 2 livres 2 sols 9 deniers environ.

Dans le parcellaire où nous avons relevé les biens, toutes les parcelles sont décrites avec leurs tenants et aboutissants. Il n'y avait alors pas de plan descriptif établi. Pour ce qui est des autres termes employés dans le descriptif des biens, de vent veut dire du sud, du levant de l' est , de bise du nord et du couchant de l'est.